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dimanche 22 septembre 2013

Andromaque, de Jean Racine

L'auteur : Dramaturge et poète, Racine (1639-1699) est l'un des plus grands auteurs de tragédie pour la période classique en France. C'est en tout cas ce que tout le monde dit en occultant soigneusement sa seule et unique farce, Les Plaideurs, plus ou moins tombée dans l'oubli depuis le XXème siècle. Au sommet de sa gloire après Phèdre en 1677, Racine se laisse facilement convaincre d'entrer "en politique" et devient un courtisan proche de Louis XIV. C'est 10 ans avant sa mort qu'il reviendra au théâtre pour deux pièces, demandées par Madame de Maintenon.



Présentation de l'éditeur : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui n'aime que son époux défunt et son jeune fils. La pièce n'oppose que quatre personnages, parmi lesquels les femmes, Andromaque, Hermione, dominent. La folie emporte Hermione et Oreste, et la pièce se clôt sur la victoire de la pureté. Tant de violence et tant de dépouillement, et l'ombre de Troie, voilà les causes du succès de la première grande tragédie de Racine.

Entendre par là : celle qui apporta le succès et la gloire à Jean Racine. Ses deux premières pièces, La Thébaïde et Alexandre le Grand, n'ont pas eu le même genre de retentissement bien que cette dernière a eu son petit succès et la faveur du jeune Louis XIV - on se demande pourquoi. D'Andromaque, Voltaire dira un peu plus tard qu'elle n'est pas passée loin d'être "la première tragédie du théâtre français". Ce n'est pas pour autant que la pièce a fait l'unanimité, et les critiques farouches de Subligny pousseront Racine à opérer des modifications cinq ans après la première version.

D'un certain point de vue, Andromaque est l'archétype de la tragédie classique. Cinq actes en vers, qui obéissent scrupuleusement à la fameuse unité de temps, de lieu et d'action si chère à Boileau ("Qu'en un jour, qu'en un lieu, un seul fait accompli / Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli").
La pièce contient également tout ce que l'on reconnaîtra par la suite comme les codes de la tragédie racinienne. D'abord la manière si particulière que le dramaturge a d'accompagner la densité du propos avec une grande économie de moyens. Parmi ceux-ci, les trois unités rappelées ci-dessus entrent alors au service des effets dramatiques : elles alourdissent l'atmosphère, entretiennent la tension, accentuent et rendent vraisemblables les évolutions psychologiques des personnages, etc.
En outre, s'il s'inspire comme il se doit de grands récits et mythes passés, Racine est celui qui donne à la tragédie une dimension profondément humaine. Le destin implacable, c'est un destin humain. Ce sont les passions des personnages et la force avec laquelle elles les enchaînent qui les perdent. Avec sa chaîne amoureuse Oreste-Hermione-Pyrrhus-Andromaque, cette pièce en est peut-être une illustration encore plus saisissante que Phèdre.
Enfin, ultime conformité au genre, cette pièce fait jouer à fond la catharsis pour amener le public à adhérer (et suivre) une morale. Elle effraie le lecteur-spectateur qui conclut presque inévitablement que se laisser gouverner par ses passions pousse à agir follement et ne mène qu'au malheur. Ce qui est fatal, c'est de ne pas être capable d'incarner l'idéal classique de "l'honnête homme" soumis à la raison. C'est le cas pour chacun des quatre personnages, même si Hermione et Oreste remportent peut-être la palme sur ce plan.

Cela dit, on peut aussi considérer que ce monument du genre contient en même temps une grande transgression des règles du théâtre classique. L'une d'elles, dite "de bienséance", veut que l'on ne montre pas ce qui choquerait trop les moeurs. Comme je vous vois venir, je vous préviens tout de suite : Racine ne s'est pas lancé dans le sexe et le gore. Pour ça, vous avez HBO... Non je parle de la folie à laquelle Oreste succombe. Il s'agit là typiquement de ce qui serait habituellement décrit et non montré. Evidemment cela peut sembler à première vue un peu gentillet quand on est un lecteur-spectateur du XXIème siècle soumis à une quantité non négligeable d'images choquantes. Si c'est votre avis, je vous invite à relire le texte en cherchant à vous représenter la violence des passions qui agitent le personnage tout au long de la pièce et finissent par faire vaciller sa raison.

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