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mardi 20 mai 2014

Fils des Brumes, de Brandon Sanderson

L'auteur : Brandon Sanderson est né au Nebraska en 1975. S'étant d'abord orienté vers la biochimie, il constate lors d'une sorte de congé sabbatique qu'écrire lui manque bien plus que la biochimie. Sanderson se réoriente complètement et place l'écriture au centre de ses choix : il écrit pendant son travail de nuit (qui lui sert à payer ses études d'anglais) puis dans le cadre d'une formation à l'écriture de fiction. Il tente de se faire une place dans le monde de l'édition pendant des années (quelques anecdotes sur son site) et après de nombreuses tentatives il finit par publier et rencontrer le succès. C'est au point qu'il est choisi pour poursuivre et terminer le cycle de la Roue du Temps après la mort de son auteur Robert Jordan. Mais cette belle marque de reconnaissance ne doit pas occulter son propre travail.



Tome 1 : L'Empire Ultime

Illustration :
Christian McGrath
Présentation de l'éditeur : Les brumes règnent sur la nuit.
Le Seigneur Maître sur le monde.
La jeune Vin ne connaît de l'Empire Ultime que les brumes de Luthadel, les pluies de cendres et le regard d'acier des Grands Inquisiteurs. Depuis plus de 1000 ans, le Seigneur Maître gouverne les hommes par la terreur. Seuls les nobles pratiquent l'allomancie, la précieuse magie des métaux. Mais Vin n'est pas une adolescente comme les autres. Et le jour où sa route croise celle de Kelsier, le plus célèbre voleur de l'Empire, elle est entraînée dans un combat sans merci. Car Kelsier, revenu de l'enfer, nourrit un projet fou : renverser l'Empire.



Vin est une jeune orpheline abandonnée et trahie par tous qui ne connaît que la résignation et la solitude. Seule sa relative utilité, grâce à sa mystérieuse capacité d'influencer un peu les autres, lui permet de survivre parmi une bande de voleurs de la capitale. Elle rencontre alors Kelsier, le plus célèbre voleur de l'Empire.
Elle apprend qu'elle est en fait Fille des Brumes, appartenant à la plus puissante caste des allomanciens, une magie basée sur l'utilisation de certains métaux. Kelsier, lui-même Fils des Brumes, devient son mentor et l'intègre à sa bande d'escrocs, réunie pour mener à bien la révolte. L'horizon de Vin s'élargit encore quand elle devient leur espion au sein de la noblesse et découvre les rouages de l'Empire. Dans le même temps, elle est confrontée à la remise en cause de ses croyances sur la confiance et l'amitié. Sera t'elle prête à temps pour son rôle dans les plans de Kelsier, et ceux-ci réussiront-ils ?

Voilà un premier tome très solide. Son plus gros point fort (et celui de la trilogie entière, d'ailleurs) se situe au niveau de la maîtrise par l'auteur de son monde et de son intrigue. Sanderson aime tout prévoir, et le récit est contrôlé du début à la fin : les retournements de situations, les détails, l'évolution des personnages, ... tout est minuté.
Le système de magie est complètement intégré au roman parce qu'il est un pilier de l'intrigue : pour vaincre l'Empereur, il est crucial de percer les secrets de l'allomancie. L'autre caractéristique de Sanderson est le soin qu'il met dans la création de systèmes de magie. Et avec l'idée des métaux et de leur rôle dans les formes de magie (allomancie et ferrochimie), il a indéniablement trouvé une excellente idée. En plus de son originalité, la magie ajoute une vraie plus-value notamment parce qu'elle est très visuelle pour les scènes de combat (en particulier l'allomancie). Vu son rôle dans l'intrigue, c'est donc avec plaisir que l'on voit le voile se lever petit à petit à travers l'apprentissage de Vin.

Cependant on peut dire que les points forts du roman finissent par le trahir. L'intrigue est peut-être trop bien huilée : les événements s'enchaînent et s'emboîtent un peu trop bien, et tout cela manque parfois de spontanéité. Cela ne veut pas dire que tout est cousu de fil blanc : il y a vraiment des évolutions et des retournements qu'on ne voit pas venir tout de suite. Mais si l'on ferme le roman satisfait et impatient de voir comment les choses vont évoluer, on se dit aussi que tout cela est peut-être un peu trop ficelé. Par ailleurs certains personnages auraient sans doute pu être explorés d'avantage, mais cela reste suffisant pour un premier tome.
De plus, tout le monde n'est pas forcément friand de l'approche de Sanderson à propos de la magie : certains n'aiment pas les explications aussi détaillées et préfèrent plus de flou dans la magie. De mon côté cela a plutôt bien marché. Malgré tous les détails donnés et le fait évident que Sanderson a travaillé le sujet à fond, l'allomancie et la ferrochimie plus encore sont loin d'avoir livrés tous leurs secrets.



Illustration :
Christian McGrath

Présentation de l'éditeur : En mettant fin au règne brutal et millénaire du tyran, ils ont réalisé l'impossible. A présent, Vin la gamine des rues devenue Fille-des-Brumes, et Elend Venture, le jeune noble idéaliste, doivent construire un nouveau gouvernement sur les cendres de l'Empire. Mais trois armées menées par des factions hostiles, dont celle des monstrueux koloss, font le siège de Luthadel. Alors que l'étau se resserre, une légende évoquant le mystérieux Puits de l'Ascension leur offre une lueur d'espoir. Et si tuer le Seigneur Maître avait été la partie la plus facile ?


Dans ce cycle, le renversement de la tyrannie n'était qu'un point de départ. Vin et ses compagnons doivent donc maintenant faire face aux conséquences de la mort du Seigneur Maître et de la chute de l'Empire Ultime. Il faut avant tout mettre en place un nouveau pouvoir et restaurer la stabilité à Luthadel. S'appuyant sur ses longues études en philosophie et en politique, Elend cherche à construire un régime mettant fin à l'esclavage des skaa. Mais il doit faire face à de nombreux obstacles, y compris extérieurs : les autres provinces de l'Empire s'organisent elles aussi et beaucoup veulent reconquérir la capitale qui est bientôt menacée par des armées plus importantes. En plus de tout cela, il est bien possible que le dogme selon lequel l'ex-Empereur protégeait l'humanité de la menace de l'Insondable s'avère vrai en fin de compte.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le succès de la révolution n'a pas simplifié les choses pour les protagonistes. Elend semble être le seul à avoir quelques idées pour la reconstruction politique, mais ses idéaux et théories pourront-ils se concrétiser ? De son côté, Vin est en pleine recherche d'elle-même. Voleuse, noble, Fille-des-Brumes, héritière de Kelsier, compagne d'Elend : elle doit trouver l'équilibre entre tous ses rôles pour prendre sa place dans le monde en reconstruction. Et comme si cela ne suffisait pas, il faut en plus que les deux jeunes à peine adultes se débrouillent sans pouvoir se reposer sur Kelsier.

En fait, les personnages se sont lancés dans une aventure sans être totalement préparés. Ils récoltent les fruits de l'obsession de Kelsier et doivent faire avec, en avançant un peu en aveugles. De cette manière, ils en apprennent encore d'avantages sur leur monde, la magie et les enjeux véritables de ce qui s'est déroulé mille ans auparavant quand l'Empereur a combattu l'Insondable. Le lecteur est complètement embarqué dans le processus. Sanderson laisse des indices, mais il laisse les mêmes aux lecteurs et à ses personnages. Ceux-ci sont alors logés à la même enseigne : même si l'on referme le roman avec l'impression que tout ça était prévisible, on n'a pas pu le prévoir d'avantage que les personnages. Il nous tarde alors de voir ce que l'auteur nous réserve pour le dernier tome de cette trilogie.



Illustration :
Chris McGrath

Présentation de l'éditeur : Pour mettre fin à la tyrannie, Vin a tué le Seigneur Maître. Mais en essayant de fermer le Puits de l'Ascension, elle a laissé s'échapper une des formes maléfiques de l'Insondable. Depuis, ses Inquisiteurs et les brumes font toujours plus de victimes, tandis que les cendres qui tombent du ciel sont devenues incroyablement lourdes, menaçant d'ensevelir le pays et d'affamer les hommes. Vin et l'empereur Elend Venture espèrent sauver ce qui peut encore l'être. Mais pour cela, ils devront découvrir les derniers secrets du Seigneur Maître : l'ultime cachette d'atium, le plus puissant métal des Fils-des-Brumes, et l'identité du Héros des Siècles.

Le Héros des Siècles conclut de manière grandiose ce cycle très efficace. Sanderson rassemble tous les fils qu'il a laissés traîner, et tout s'enchaîne. Le troisième type de magie dont il a été brièvement question auparavant, l'hémalurgie, est présenté de manière plus approfondie et l'auteur démontre à nouveau qu'il a porté une grande attention à la magie et à son rôle dans son histoire.

Sanderson a vraiment tout prévu, et on reste admiratif à propos de la manière dont il a mené son intrigue. Même si on a appris avec les deux premiers tomes à se méfier des indices qu'il nous laisse, il y a toujours des détails qui changent tout au dernier moment et prennent simultanément tout leur sens. Au final, on aboutit avec une image claire des événements sur plus de 1000 ans d'histoire, des circonstances de l'Ascension du Seigneur-Maître à la conclusion qui survient dans ce troisième tome. Ce qui est très réussi, c'est que cette image se forme progressivement tandis que les personnages découvrent peu à peu la réalité derrière mythes et prophéties.

Un autre motif de grande satisfaction dans ce tome, c'est le rééquilibrage dans le traitement des personnages. Vin éclipsait presque trop les autres personnages dans le premier tome, tandis que c'était Elend dans le deuxième tome. Cette fois les deux personnages sont traités de manière équilibrée, et surtout d'autres personnages reçoivent une importance et un traitement plus profonds. On pense en premier lieu à Spectre et Sazed, mais il y a aussi le cas du Seigneur-Maître Rashek dont les secrets sont dévoilés petit à petit et apportent ainsi beaucoup de précisions et de profondeur au personnage. Cette manière de faire peut sembler trop déséquilibrée si on considère chaque tome séparément, mais dès lors qu'on considère l'ensemble du cycle on se rend compte que c'est un choix très lié au genre d'histoire que Sanderson voulait raconter.

Pas plus que d'autres ce cycle ne fera l'unanimité. Les choix de l'auteur concernant l'approche de la magie et certains thèmes de son intrigue ne plairont pas à tous. Mais même ainsi, il me semble difficile de contester la grande efficacité de l'intrigue et du récit.


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