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dimanche 3 novembre 2013

La Trilogie des Magisters, de Celia S. Friedman

L'auteur : Celia S. Friedman est née en 1957. Elle a été créatrice de costume pendant 20 ans avant de se consacrer à l'activité d'écrivain. Jusqu'à présent, elle a écrit une dizaine de romans et de nombreuses histoires courtes. La Trilogie des Magisters compte pour l'instant 2 tomes.


Tome 1 : Festin d'Ames


Illustration :
Jean-Sébastien Rossbach

Présentation de l'éditeur : La magie a un prix : la vie ! Tel est le scandaleux secret des Magisters, qui puisent au hasard dans cette flamme qui brûle en chacun de nous afin d'alimenter leurs sortilèges. Quand le haut roi ordonne à ces sorciers immortels et solitaires de s'unir pour sauver son fils atteint d'une mystérieuse maladie, ce secret est bien près d'être révélé. Car l'agonie du prince prouve que l'un d'eux, quelque part, consume son âme ! Tandis que les Magisters traquent le coupable, quelqu'un d'autre se prépare à faire trembler leur confrérie. Prostituée par sa mère quand elle était enfant, Kamala a appris à la dure les pires leçons que la vie peut dispenser. A présent, sa crinière rousse et ses yeux aux reflets de diamant sont le symbole de sa force et de sa fierté. Résolue à vivre selon ses propres règles, coûte que coûte, Kamala est devenue un être impitoyable, modelé par la misère et la cruauté humaine. Avec l'aide d'un vieil ermite, elle entend être la première femme à maîtriser la sorcellerie. Mais quel prix devra-t-elle payer - et faire payer au monde ?

Si le thème du prix de la magie est parfois évoqué, c'est la première fois que je lis un roman où il est à ce point travaillé qu'il est au coeur du récit. Dans ce livre de Celia S. Friedman, la magie est très généraliste : les pratiquants peuvent l'utiliser pour faire à peu près n'importe quoi - influer sur le temps, contrôler les esprits, se métamorphoser... - à condition d'en payer le prix. Et ce qui alimente la magie, c'est la force de l'âme, l'anthra. On distingue alors deux catégories de pratiquants : les magiciens et magiciennes qui puisent dans leur propre âme et épuisent leur espérance de vie, et les sorciers appelés Magisters qui ont trouvé une autre voie. Ces derniers ont en effet appris à puiser plutôt dans l'âme d'une autre personne déterminée par le hasard : leur consort.

De cette manière, les Magisters ont tout le loisir de pratiquer une sorcellerie de très haut niveau, qui serait bien trop coûteuse pour ceux qui s'alimentent à leur propre source de vie. Leur particularité leur assure aussi l'immortalité, puisque lorsque leur consort meurt ils peuvent simplement en changer et disposer d'une nouvelle source de vie. Enfin, pour des raisons qui ne sont pas forcément très claires, seuls des hommes ont accès à cette autre voie. La théorie officielle est que les femmes ne sont pas prêtes  au fond à n'importe quoi pour survivre. Kamala veut contredire cet état de fait. Refusant de mourir prématurément en utilisant son don naturel, elle trouve un Magister qui vit en ermite et réussit à le convaincre de la former.

De son côté, le troisième fils du roi Danton est accablé par une maladie débilitante et fatale appelée la Langueur. Il s'agit en fait du nom donné à l'état d'un consort, lentement et secrètement consumé par un Magister. Le problème est que Danton ne se satisfait pas d'un constat fataliste et est prêt à tout pour sauver la vie de son fils. Le risque est grand que le secret des Magisters soit découvert, menant à une guerre inévitables entre sorciers et mortels. Une guerre que les Magisters ne peuvent se permettre, puisque leur victoire certaine laisserait les mortels et donc la source même de leur puissance exsangue.

Le secret est près d'être percé quand une voyante confie au prince Andovan que quelqu'un est en train de le tuer. Il simule son suicide et part à la recherche de la personne responsable de son état, laissant ses proches et son royaume pleurer sa perte. Fou de rage, le roi expulse les Magisters et finit par recruter un autre sorcier appelé Kostas. En tant que conseiller du roi, celui-ci engage Danton et le Royaume dans une direction bien sombre qui sera lourde de conséquences pour le continent et l'humanité.

Ce premier volume est très efficace. Certains pourront trouver le rythme un peu lent, mais il faut bien avoir à l'esprit qu'il s'agit d'un tome de mise en place et surtout que malgré l'apparente lenteur de nombreux éléments sont introduits. La construction du récit est plutôt intelligente. Les informations sont distillées au compte-goutte, et le lecteur ne manque pas d'occasions de se poser des questions et de faire des prévisions tandis qu'il avance dans le récit. Trois choses ont été particulièrement bien réussies.

D'abord la psychologie de l'héroïne, et la manière dont elle doit se chercher après être devenue la première et seule femme Magister. Obnubilée par l'idée d'atteindre ce statut pour survivre et avoir le pouvoir de vivre comme elle l'entend, elle n'a pas tellement pensé à ce qu'elle ferait ensuite et n'avait de toute façon pas mesuré la portée de sa réussite. Elle doit de plus apprendre à composer avec le fait que dorénavant elle vole la force d'un autre pour pouvoir vivre comme elle l'entend.

La deuxième chose, c'est le caractère du prince Andovan qui s'insurge contre sa nouvelle faiblesse et décide de ne pas attendre la mort dans son lit et surtout de découvrir exactement ce qui le tue. Ses angoisses, sa faiblesse qui augmente et l'urgence qui le pousse sont très bien menées et permettent de bien intégrer son voyage dans la trame du récit : on peut s'attacher suffisamment au personnage pour s'intéresser aux passages le concernant alors même qu'on voudrait que le récit progresse sur d'autres plans.

Enfin, la confrérie des Magisters est pour moi la grande réussite de ce premier roman. On peut les voir comme une réinterprétation du mythe vampirique, puisqu'ils deviennent immortels en volant la vie d'autrui - sauf qu'il ne s'agit pas de crocs et de sang. Un autre point est que leur longévité et la source de leur pouvoir les dépouillent de leur humanité. C'est au point qu'il est très difficile de les comprendre, tant ils semblent obéir à des règles qui leur sont propres. Les lois de leur confrérie ne sont pas toujours claires, mais c'est surtout leur attitude vis-à-vis de la magie qui nous les rend si inhumains. La désinvolture avec laquelle ils puisent dans leur consort nous laissent souvent remplis d'horreur. D'autant plus que l'auteur a fait du bon travail en décrivant le prix de la magie, notamment dans le prologue. Mais dans le même temps, il leur arrive parfois de s'abstenir d'épuiser leur consort sans que cela ne cadre vraiment avec l'image qu'on se fait d'eux. 

Ainsi, ces sorciers capturent efficacement l'intérêt du lecteur. La palme revient à Colivar, un personnage très intrigant et qui se révélera très certainement central dans la suite de l'intrigue. Il y a encore beaucoup de points que je ne peux pas vraiment détailler ici et qui font de ce roman un très bon volume d'introduction. Notamment tout ce qui concerne la mythologie de l'univers de Celia S. Friedman : les Dévoreurs d'Ame, les Protecteurs et les Gardiens, leur magie qui semble différente de celle des magiciens et Magisters, etc. Je ne peux que vous conseiller de lire le roman pour découvrir tout cela, car j'ai trouvé cette lecture très agréable et je passerai au deuxième tome avec plaisir.

1 commentaire:

  1. Je ne connaissais pas du tout ce livre, mais il m’intéresse beaucoup maintenant, surtout si la magie est très developpée !

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