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jeudi 3 octobre 2013

Chronique du Tueur de Roi, de Patrick Rothfuss

L'auteur : Né en 1973, Patrick Rothfuss commence à travailler sur ce qui deviendra sa Chronique du Tueur de Roi vers 1993. Il s'amuse à expliquer que cela et les petits boulots pour joindre les deux bouts ont un peu ralenti ses études. Cela n'empêche qu'à partir de 1999 il enseigne l'anglais à l'Université du Wisconsin. En 2002 il gagne le prix "Writers of the Future" pour une nouvelle adaptée d'un chapitre d'une ancienne version de son manuscrit. Il obtient alors suffisamment de visibilité dans le milieu de l'édition pour enfin faire son chemin et publier Le Nom du Vent en 2007. La Peur du Sage est publié en 2011. On attend le troisième tome impatiemment, mais mieux vaut ne pas le harceler à ce sujet.


Première Journée : Le Nom du Vent


Illustration : Marc Simonetti
Présentation de l'éditeur : J'ai libéré des princesses. J'ai incendié la ville de Trebon. J'ai suivi des pistes au clair de lune que personne n'ose évoquer durant le jour. J'ai conversé avec des dieux, aimé des femmes et écrit des chansons qui font pleurer les ménestrels.
J'ai été exclu de l'Université à un âge où l'on est encore trop jeune pour y entrer. J'y étais allé pour apprendre la magie, celle dont on parle dans les histoires.

Je voulais apprendre le nom du vent. Mon nom est Kvothe.
Vous avez du entendre parler de moi. 
Un homme prêt à mourir raconte sa propre vie, celle du plus grand magicien de tous les temps. Son enfance dans une troupe de comédiens ambulants, ses années de misère dans une ville rongée par le crime, avant son entrée, à force de courage et d'audace, dans une prestigieuse école de magie où l'attendent de terribles dangers et de fabuleux secrets... Découvrez l'extraordinaire destin de Kvothe : magicien de génie, voleur accompli, musicien d'exception... infâme assassin. Découvrez la vérité qui a créé la légende.

Devan Lochees, alias Chroniqueur le biographe, se retrouve après quelques mésaventures dans l'auberge d'une petite bourgade isolée. Il reconnaît en Kote, le patron encore jeune mais étrangement usé, le légendaire Kvothe. Il le convainc de lui confier le récit de sa vie en présentant cela comme une chance de transmettre la vérité alors que mythes et fables se répandent. D'après Kvothe le récit prendra trois jours, et ce tome couvre donc la première journée.
Il y raconte sa vie de 10 à 15 ans. Celle d'un enfant élevé dans une troupe d'artistes ambulants. Quand celle-ci est massacrée et qu'il survit un peu par hasard, il échoue dans une ville où il survit tant bien que mal dans les rues. Il lui faut trois ans pour se remettre et partir pour l'Université. Il y cherchera à s'informer sur les meurtriers et mettra son intelligence à profit pour se former.

On a ici les bases d'un récit initiatique standard, et pas mal de codes de la fantasy sont présents. Mais le plus souvent ces structures familières sont manipulées et renouvelées au service d'une histoire qui s'avère passionnante, pleine de personnages bien construits dans un monde cohérent et original bien qu'un peu familier en même temps.
En plus de cela, c'est le travail de Patrick Rothfuss qui place ce livre au dessus du lot. C'est un conteur exceptionnel. Il mêle habilement le récit par Kvothe de son passé avec un narrateur omniscient pour tous les passages qui concernent son "présent" à l'auberge. De plus, fidèle à ses origines d'artiste itinérant, Kvothe est lui-même un excellent conteur. Il maîtrise toutes les ficelles pour accrocher son auditoire et donc le lecteur. Ainsi ellipses, colmatage, introspection, commentaires et même petits mensonges temporaires entretiennent l'attente, ménagent quelques surprises, etc.

Là où Rothfuss est bluffant, c'est à mon avis avec la question de la crédibilité et des effets de réel. Dans cette veine il y a un jeu très bien réalisé entre le récit de Kvothe et le "présent" quand il discute avec Chroniqueur et Bast. Le récit de Kvothe est présenté comme une manière de démystifier les histoires qui circulent à son sujet. Son histoire est d'autant plus crédible qu'elle est censée corriger les exagérations des fables. Et quand par exemple on comprend quel épisode de sa vie est à l'origine de l'un de ses surnoms, le lecteur n'a aucun mal à se représenter les exagérations auxquelles l'anecdote a pu donner lieu.
La quête même du héros relève de la démystification, puisqu'il se jette sur les traces de contes de fées et devra démêler le vrai du faux pour identifier ses ennemis, les trouver et les combattre. Le sujet de la magie aussi est abordé dans ce contexte, puisque Kvothe présente le sympathisme comme une science et non comme la sorcellerie que dénonce les bigots. Et qu'au contraire la magie telle qu'elle apparaît dans les mythes populaires n'est pas si imaginaire que ça.

Puisqu'on parle de réalisme, parlons du personnage de Kvothe, très crédible pour une légende. Bien sûr il est plus doué que la moyenne, intelligent et débrouillard. Ses origines et ses années à la rue lui assurent comme il se doit un certain nombre de dons et capacités. Mais Rothfuss ne manque jamais de suggérer les limites de son héros. Kvothe n'hésite pas à pointer du doigt ces moments où il a fait preuve de stupidité, ou de ceux où ses succès sont dus à la chance. Il y a aussi juste ce qu'il faut d'aveuglement et de maladresse quand on aborde les rapports avec le beau sexe à l'adolescence.
L'immersion est donc d'autant plus facile que l'on s'attache très naturellement au héros. Autre tour de force : par son récit Kvothe - et donc Rothfuss - parvient à rendre crédibles et attachants les différents personnages qui ne sont pourtant évoqués que dans les souvenirs du héros. C'est à travers son regard qu'on apprend à les apprécier ou les détester - étant évidemment influencés par ce que le héros en dit. Et cela sans qu'ils ne paraissent totalement sous-développés : plutôt réussi.

Il y a encore mille choses à recenser qui témoignent de la qualité d'écriture. Cette façon d'éviter les descriptions trop longues, la subtilité pour semer des indices et développer l'histoire, la musicalité et la poésie de certains passages, etc. On en découvre à chaque lecture. Et puis il y a la fin de ce premier tome, qui nous laisse avides de connaître la suite. Comment la quête de Kvothe va-t-elle se passer ? Quels évènements ont pu le marquer au point de feindre sa mort et de s'exiler ? Que penser de Bast, et qu'a-t-il en tête ?

Lecture pour le Big Challenge et le Baby Challenge 2013 de Livraddict :


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